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Lutte contre les RPS en Europe : des réponses concrètes dans un dialogue social fructueux
- https://www.unsa-fp.org/910
mercredi 5 avril 2017 - ◷ 5 min
La troisième phase du projet européen concernant la lutte contre les risques psychosociaux, coordonnée par l’EPSU (Fédération syndicale européenne des services publics) et EUPAE (employeurs des administrations d’Etat), a fait l’objet d’un séminaire les 14 et 15 mars 2017 à Berlin.
L’objectif de ce travail d’une durée de 18 mois consiste à mieux prévenir et mieux prendre en charge les risques psychosociaux dans les administrations d’Etat en Europe. Deux séminaires se sont déjà déroulés pour approfondir plus précisément l’impact de la digitalisation (Vilnius) et les violences (Madrid). Ce projet se traduit in fine par des réalisations concrètes pour soutenir les acteurs nationaux : une étude, un guide et une vidéo.
L’étude conduite a établi des comparaisons entre les données européennes sur cette question mais aussi recueilli les différentes pratiques mises en œuvre pour élaborer des réponses destinées à prévenir les risques psychosociaux. Cette étude met en évidence les changements qui impactent le monde du travail.
De moins en moins de personnes travaillent dans le secteur productif et de plus en plus dans le secteur tertiaire. Le temps de travail augmente. Selon les premiers résultats de la sixième enquête européenne sur les conditions de travail, même si la majorité des actifs (58 %) disent, en 2015, être satisfaits du temps de travail dans leur principal emploi rémunéré, 21 % des salariés signalent une augmentation de leurs heures de travail et 11 % affirment que leur travail les empêche « toujours » ou « la plupart du temps » de consacrer du temps à leur famille. Les longues heures de travail ont une incidence sur la santé des travailleurs, étant donné qu’elles peuvent occasionner une fatigue mentale, des troubles du sommeil, une incapacité à se concentrer et, partant, une diminution du rendement dans l’exécution de certaines tâches.
L’apparition des technologies de l’information et de la communication a révolutionné le travail sous tous ses aspects. La diffusion d’outils numériques représente une innovation prodigieuse et permet d’accroître la productivité et la compétitivité mais peut aussi, par une augmentation de la charge de travail, des heures supplémentaires, de longues heures de travail et un temps libre fragmenté, menacer l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.
Les travailleurs sont désormais joignables partout et à tout moment et cette évolution s’avère être une menace pour la santé des travailleurs. L’enquête révèle en effet que 45 % des travailleurs indiquent avoir travaillé sur leur temps libre pour répondre aux exigences de leur travail au cours des 12 derniers mois, tandis que 3 % le font quotidiennement, 7 % plusieurs fois par semaine et 13 % plusieurs fois par mois.
L’exposition aux risques psychosociaux s’intensifie et ses impacts ont des coûts humains mais aussi budgétaires considérables. En Europe, on estime ce coût à 25,4 Md€ en 2013. Les RPS produisent de l’absentéisme, des défauts dans la qualité des services et produits et nuisent à la réputation des entreprises.
Ce qui est frappant, c’est que le secteur public est maintenant plus impacté par les RPS que le secteur privé.
A l’échelon européen, une grande enquête de l’EU-OSHA (Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail) vient récemment de montrer que les risques psychosociaux étaient très présents dans le secteur public. Elle aboutit à la conclusion que, non seulement les travailleurs de l’administration publique sont exposés à ces risques, mais aussi que leur exposition est supérieure à la moyenne englobant le secteur privé. Le risque le plus répandu dans l’administration publique étant le fait d’être confronté à des usagers, patients, élèves, etc. difficiles ». Une étude française centrée sur des secteurs particuliers de l’administration nationale a constaté que, alors qu’un peu plus d’un quart (26,9 %) des travailleurs du privé connaissent des relations tendues avec le public, la proportion dépasse les trois quarts (75,7 %) lorsqu’il s’agit du personnel de la justice par exemple.
Dans les administrations nationales, les risques psychosociaux sont inhérents aux restructurations permanentes de ces dernières années, le développement du lean working, la gouvernance électronique (par exemple la mise en place de plateformes), l’intensification du travail (au Royaume Uni 34 % des agents sont exposés à une charge de travail exorbitante), l’utilisation des nouvelles technologies et la disparition des frontières entre vie professionnelle et vie privée.
Différents intervenants ont insisté sur le poids des discriminations et la nécessité de ne pas les tolérer. La question du genre a également été soulevée. Selon un récent sondage effectué en 2015, il apparait que la probabilité des femmes d’être exposées à des brimades, des humiliations, du harcèlement, des violences verbales est plus élevée. En Suède, une étude a démontré qu’il était quatre fois plus probable qu’une femme soit discriminée du fait de son genre et neuf fois plus probable qu’elle soit victime de harcèlement. Par ailleurs, les violences domestiques atteignent davantage les femmes, ce qui a également un impact sur leur situation au travail.
L’ensemble des données et exemples présentés se retrouveront dans la version finale finale de l’étude qui viendra en appui d’un guide et d’une vidéo destinés à sensibiliser et mettre en place, dans un dialogue social de qualité, des mesures de prévention adaptées dans une dynamique d’échanges entre pays européens.
La promotion de ces outils sera une occasion dans chaque pays de sensibiliser les employeurs à la question des risques psychosociaux. Celle-ci rencontre la réalité des situations vécues actuellement par un grand nombre d’agents publics dans les administrations de l’Etat.
Enfin, la question de l’évolution du cadre juridique européen dans ce domaine se pose également pour l’élaboration des futures politiques.
L’EPSU et avec elle, l’UNSA Fonction publique, entendent peser sur ces politiques pour l’amélioration des conditions de travail.